Fête des pères et pères qui ne sont pas à la fête...

Le 29 mai 2011 ce sera la fête des mères, et le 19 juin la fête des pères. Deux journées de fête dédiées aux parents, mais en réalité bon nombre de mères ou de pères ne seront pas à la fête, car les décisions judiciaires rendues en matière familiale ont presque toujours pour effet que les enfants de parents séparés ne verront plus que très rarement l'un de leurs deux parents. Et comme les statistiques de l'INSEE le rappellent (ICI), dans 90% des cas ce sont les pères qui suite à une séparation deviendront sur ordre de justice, des parents secondaires, résiduels, condamnés le plus souvent à ne voir leurs enfants qu'un week-end sur deux, soit quatre jours par mois.

L'un de ces papas nous livre une partie de son vécu, exprime l'absurdité de cette "garde classique" alors que d'autres modes résidence sont possibles et permettraient aux enfants de bénéficier réellement de leurs deux parents, et nous raconte son Dimanche de fête des pères 2010.

 

Dimanche, c'était la Fête des Pères

• Le temps d'un week-end, je redeviens papa. Je les retrouve, eux, mes enfants. Ils guettent mon arrivée. Impatients, ils s'engouffrent dans la voiture avec leurs gros sacs et leurs cartables d'écolier. Ils m'embrassent, prennent mes mains, s'agrippent à mon cou. Ils parlent à tue-tête pendant le trajet pour raconter leur semaine. Nous arrivons. Rien n'a changé dans leurs chambres depuis quinze jours. Leurs affaires les attendent, là où ils les ont rangées.

Soudain la maison reprend vie. 48 heures pour se gorger de leurs rires, de leurs paroles. 48 heures pour partager, rassurer, réconforter. Pour fixer des souvenirs d'un quotidien en pointillé. Transmettre une culture, des connaissances, des valeurs, ses racines.
Dimanche soir, il nous reste des images plein la tête. Des chouchous de mes filles dans la salle de bain. Un contrôle de mon fils qu'il dépose sur son bureau pour que je pense à lui. L'odeur de leurs baisers sur ma peau. Je la garderai toute la nuit, ne me doucherai que le lendemain.

C'est comme ça quatre jours par mois. Une misère. On appelle ça la « garde classique ». Combien de pères sommes-nous au pain sec, à purger une peine au seul tort d'être un homme ? Combien d'enfants sont-ils à souffrir de ne plus le voir, ce père, qu'on leur enlève et rabaisse sous leurs yeux.

Cela fait cinq ans que je demande une résidence alternée. Cinq années d'une course-poursuite dont les règles sont pipées. Dernier épisode en date : une «expertise médico-psychologique » des enfants à la demande du tribunal. Pourquoi ne prend-on pas autant de précautions pour une « garde classique » ? Mystère. Qui doit avancer les honoraires de l'expert ? Le père, évidemment : 2 300 euros cash encaissés et consignés par l'Etat pour... une série d'entretiens. Une somme que beaucoup de Français ne gagnent déjà pas en un mois. Le résultat ? Je n'en sais rien, ça fait quatre mois que j'attends... le rendez-vous. Je téléphone pour activer les choses. C'est à peine si on ne m'en veut pas. Voilà, ça c'est aussi un sujet de Fête des Pères. Un père sur deux. De ces pères qui ne sont pas à la fête. Mais qui font le dos rond, en attendant des jours meilleurs. Il n'y a pas de société sans femmes. Il n'y en a pas non plus sans hommes. Ni dans la tête d'un adulte, ni dans celle d'un enfant .

 

Karim Zayana, Versailles

(Témoignage paru dans le Nouvel Observateur de juin 2010, reproduit avec l'aimable autorisation de son auteur).